Gap -  Hautes-Alpes

Printemps des poètes 2022

 

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Littera05 participe à la manifestation nationale qui a lieu chaque année sur la poésie : Le printemps des poètes.

Le thème choisi était pour 2022 : L'Ephémère

Littera05 a participé dans 3 lieux différents à cette manifestation nationale :

- A la Nouvelle Librairie à Gap le 12 Mars

- A la librairie La Loupiote à Gap le 23 Mars

- A la bibliothèque de Savines-le-Lac le 24 Mars

 

Les poèmes choisis par Littera sont extraits de

"L’Éphémère - 88 plaisirs fugaces" aux Éditions Bruno Doucey

avec des poèmes de François Cheng

 

L’EPHEMERE – PRINTEMPS DES POETES



L’Ephémère - Sophie Nauleau

Il en va des mots comme des chansons d’amour qui reviennent par surprise au détour d’une voix, d’un souvenir, d’une émotion. « J’ai pris la main d’une éphémère ... » dansait dans ma mémoire. Sans que je sache qui le premier, de Montand ou Ferré, avais semé ce trouble de l’étrangère en moi. Adolescents nous ne comprenions pas tout à cette romance des années folles, ni même à ce poème que l’on disait roman inachevé, mais pressentions ce mystère de « l’éternelle poésie » qu’Aragon dilapidait sans crier gare.
Une seule et unique voyelle, quatre fois invoquée, entre la fièvre, le murmure, la foudre, l’imaginaire, l’insaisissable, l’à-venir, l’impensé, le maternel, le fugace, la soif, l’énigme, le précaire, l’effervescence, le friable, l’envol, l’impermanence … Plus vaste que l’antique Carpe Diem et plus vital aussi, l’Ephémère n’est pas qu’un adjectif de peu d’espoir. C’est un surcroît d’urgence, de chance et de vérité. Une prise de conscience toute personnelle et cependant universelle, comme un quatrain d’Omar Khayyam, un haïku d’hiver, un coquelicot soudain, une falaise à soi, un solstice d’été, un arbre déraciné ou la vingtaine de numéros d’une revue de poètes du siècle dernier.
Il est temps de sonder à nouveau l’Ephémère. De ne pas attendre à demain. De questionner ici et maintenant la part la plus fragile, la plus secrète, la plus inouïe de nos existences.

François Cheng :

          Fleur. Est-ce une fleur ?
          Brume. Est-ce la brume ?
          Arrivant à minuit
          S’en allant avant l’aube
          Elle est là : rêve d’un printemps éphémère
          Elle est partie : nuée du matin, nulle trace

L’éphémère de toutes les batailles -Marc Delouze

1 – Une fenêtre ouverte
Voilà-t-il pas qu’on découvre qu’on peut mourir
chaque jour chaque nuit chaque instant c’est tout bête
la maladie flotte dans l’air, la mort nous guette
rien ne sert de la fuir rien ne vaut d’y courir

Tu peux mourir demain – la belle découverte !
La vie, rien que la vie : une fenêtre ouverte
Sur le bon le mauvais le bien le mal et tout
Ce qui fait qu’en chacun se réunit le nous

2 – Disons qu’il y aurait à dire
Disons qu’on sombrerait sans fin
Que la mer n’y serait pour rien

Disons qu’on serait oubliés
Que le temps n’y serait pour rien

Disons qu’on serait assoupis
Que la nuit n’y serait pour rien

Disons qu’on se réveillerait
Que le jour n’y serait pour rien

Disons qu’on chercherait la porte
Que les murs n’y seraient pour rien

Disons qu’on voudrait appeler
Que nos voix n’y seraient pour rien

Disons qu’il y aurait à dire
Mais que les mots n’y seraient pour rien

Disons qu’on s’entendrait enfin
Que l’interdit n’y pourrait rien

3 – Pendant ce temps
Pendant ce temps pendant ce temps
comme il peut le monde surnage
nous vivons tous à son image
nous survivons pendant ce temps

pendant ce temps nous aiguisons
nos appétences carnivores
on se nourrit de nos prisons
cependant qu’elles nous dévorent.

Le monde est désorganisé
ça gîte de partout, ça tangue
à nous de le recomposer
en poésie c’est par la langue

chaque mot est une fenêtre
par où faire le jour renaître
enfin, peut-être bien, peut-être ...

François Cheng :

De quelle nuit es-tu venue ?
De quel jour ? Soudain tu es
Au cœur de tout. Les iris
Ont frémi ; le mot est dit

 

La fenêtre fermée - Claude Roy

La fenêtre fermée n’en réfléchit pas moins
Le monde qu’elle tient à l’écart d’elle-même
Les gens qui n’en finissent jamais de passer
Le ciel qui ne sait s’arrêter d’être ciel
Et la maison d’en face à l’ancre de ses pierres
De son toit de ses murs de son poids de maison

La fenêtre fermée n’est pas très sûre d’elle
Ni d’être ce qu’elle est ni de voir ce qui passe
La fenêtre fermée tournée vers son envers
Donne à la nuit dedans des nouvelles du jour
Et parle à la chaleur du froid qu’il fait dehors

La fenêtre fermée réfléchit lentement
Et triste traversée taciturne tapie
Rêve de retenir et de garder pour elle
(rien qu’un petit moment préservé de s’enfuir)
Ce chat ou cet enfant qui marchent dans la rue
Et traversent son eau sans y laisser de trace.

 

François Cheng:

Tout départ un retour
Lorsque depuis l’horizon
On se retourne
        vers le lieu d’origine
Déjà noyé de brume
On voit pour la première fois
Le regard de celle qui attend
Là où pour la première fois
        avait jailli le souffle
         avait surgi l’appel
Toute vie déjà
        en un geste d’accueil
        en un geste d’adieu
De ce qui prendra congé
De ce qui creusera distance
De ce qui n’en finira plus
De dévider
        le mot échangé
Jamais épuisé
Jamais accompli
Le voici repris
        lentement confié
Au vent de passage
Entre nuage et pluie

 

A changer si souvent -Orianne Papin

A changer si souvent
de pointure
et de dents
nous le savions

enfants

ce que c’est
d’être éphémères.
            *
On s’écrivait
partout
sur les mains
croyant
à l’envers
par ce geste
nous rendre indélébiles.
            *
Quand la vraie vie
n’était pas tout à fait
comme on l’aurait voulue
après coup
on avait cette parole formidable :

c’était pour du beurre.

    François Cheng :

Sois prêt à accueillir
tout instant qui advient
Sente gorgée de soleil
&grisée de lune, clairière

       

Loterie - Evelyne Trouillot

Il aurait pu marcher la tête haute
et les yeux fiers
Ses trésors d’enfant banal
au chaud dans son coeur et
dans sa poche

Il aurait pu apprendre à se battre
maladroit mais confiant
en la victoire d’un baiser
sur sa joue blessée
Il aurait eu un rire taquin
une envie d’arriver jusqu’en haut
des mornes et d’entrouvrir ses lèvres
pour attraper un nuage
Le matin au réveil
Il aurait pu voir la lumière sur ses doigts
et sourire tendrement

MAIS

il est né sous une tente
dans un camp où la vie se faufile
sans y rester
où le soleil fait la moue avant d’entrer
et que les étoiles évitent pour ne pas sombrer
Il aurait pu s’appeler autrement
Il aurait pu n’avoir que des peurs d’enfant
Ne pas avoir si souvent faim
il aurait pu
être ton fils
et alors peut-être
l’aurais-tu vu...

 

François Cheng:

Tel soir d’hiver, sur mon chemin,
Je croise une mère pressée de rentrer,
Suivie de sa fillette à la pâle
Figure qui toussote dans le vent.
Celle-ci me fixe un instant de son regard
D’ange, et nous échangeons un sourire,
En ce coin perdu de la trop vaste
Terre, laquelle ignore notre existence…
Ô toute la détresse humaine,
Toute la tendresse humaine,
Toute la peur mêlée de mille rêves
Doux ou fous… Il y aura des jours
Emplis d’attente à passer, il y aura
Des saisons changeantes à traverser
Un jour, femme devenue mère,
Tel soir d’hiver, sur ton chemin,
Tu te souviendras, n’est-ce pas,
De l’étrange étranger à la pâle
Figure toussotant dans le vent,
Qui t’a un instant fixée de son regard
D’ange, trop vite évanoui dans la vaste nuit.

Portrait d'un éphémère - Jean-Michel Maulpoix

De la mer, il aime le ressac, sa manière obstinée de déferler contre la roche
ou sur le sable, lorsque toute parole lui demeure interdite, toute conversation
à l’oreille des hommes, toute possibilité d’amour. Il aime le ressassement
 douloureux de la vague, ses mouvements d’épaules, ses vociférations, sa hargne les jours de tempête, ou sa douceur quand elle défaille au retrait de la marée. Il aime qu’elle ne puisse rien faire d’autre que rouler la silice, et polir et creuser lentement la pierre, pour rencontrer encore la pierre, la sable et les galets, jusqu’à la fin des temps.

Elle, tellement plus vaste, plus forte que lui, mais en fin de compte aussi vaine, résignée à reproduire sans faiblesse le même geste, semblable à celui qui l’occupe dans la chambre quand il frotte la plume d’or contre le papier. Tel encore celui du peintre ou du musicien, couvrant la toile et les portées, en espérant la défaillance de l’invisible ou du silence.

Il souffre de la même soif que la mer, de la même faim que le soleil quand il
adore la pierre ou la peau d’un enfant : une sorte de désir inconsolable dont les mots qu’il écrit ne cicatrisent pas la brûlure. Il frappe aux portes de la mer,
comme d’autres aux portes du ciel, avec des clameurs, des prières et des chants, sans espoir qu’on lui ouvre, sachant bien que seul existe ce en quoi l’on se met à croire.


François Cheng

Roses écloses
Roses défuntes
Brefs les pétales
Très long le parfum


Mes forêts - Hélène Dorion

C’est le bruit du monde
l’écoulement du temps -

goutte de pluie et grain de sable
l’éclosion d’un bourgeon
la branche qui tombe l’avancée d’un nuage
dans le bleu la nuit se brise
à l’horizon un vent
plus léger que les autres

c’est le bruit du monde
l’écoulement du temps

l’heure mauve les glaces qui se rompent
la lumière de midi une secousse
l’ondée vive
le sol qui craquelle

c’est le murmure d’une forêt

le bruit du monde
l’écoulement du temps l’écoulement
du temps -

une feuille tombe nue
comme s’égrènent les voix
dans leur solitude

la neige nourrie de vent
siffle
dans le désert de froid

quel silence
sous nos pas
soudain se fissure

 

François Cheng:

Entre cîme et abîme, orage.
Un faucon guette l'instant de halte.
A flanc de falaise, une souche
Lui tend le bras, comme lui hors d'âge


Je marche - Christian Viguié

Je marche
comme si l’un de mes pas était un soleil vivant
et l’autre un soleil mort
Je marche et je me mets à penser
ce qui n’est rien d’autre
que relier une nuit entre ces deux soleils

Je marche
quand le monde ne peut plus bouger
Je crée des ponts
des hypothèses
entre ce que nous fûmes dans ce monde
et ce que nous n’avons jamais été

Pour cela
j’emprunte le langage de l’abîme ou d’une rose
Je bégaie
Je sais que les dieux sont des feuilles qui tombent
les mots des constellations éphémères
un voyage où il n’y a pas de retour
Voilà pourquoi je me promène avec un oiseau noir
pour que son vol insensé découse la nuit
A lui d’inventer un ciel ou une branche
de quoi voler et se poser


A lui d’inventer la fureur ou l’attente
les corolles d’une fête qui n’existe pas
Je marche et je me promène avec un oiseau noir
sans résoudre aucune équation
car marcher n’est pas une porte
mais une fenêtre épiant le près et le lointain
et je vois un monde qui est là
et n’est pas fait pour ça
Il engendre sa légende et sa propre philosophie

Et je me résous à être ce que je suis
un homme coincé entre deux battements de coeur
comme s’il y eut là toute vérité
et mon travail consiste à ramasser une pierre et une  plume
qui durent plus que moi.

François Cheng :

La beauté est une rencontre
Mais nous ramassons le caillou
Sur le chemin
Le tenant à peine dans la main
Puis sans y penser
le jetons plus loin

Pendant que le couchant
Effleurant le mont
S’attarde un bref instant
Puis sans se retourner
va son chemin,


Ephémère - Hermann HESSE

« Une feuille morte poussée par le vent à travers la fenêtre est venue se poser au bord du bassin. C’est une petite feuille tombée d’un arbre dont le nom ne me revient plus. Je la regarde attentivement, déchiffre les lignes de ses nervures et de ses veines, respire son odeur si particulière qui nous rappelle que nous ne sommes pas éternels. Nous tremblons face à la mort, et pourtant rien de beau n’existerait sans elle. Il est merveilleux de constater à quel point la beauté et la mort, le plaisir et l’éphémère représentent des principes indissociables, à quel point l’existence de l’un implique nécessairement celle de l’autre. En observant cette feuille, je sens tout à coup avec précision la frontière qui sépare la nature de l’esprit. Les fleurs sont éphémères et belles ; l’or est éternel mais il est ennuyeux. De la même manière, tout ce qui anime la vie de la nature est passager et magnifique, tandis que l’esprit est immuable et lassant. […]
Pour exister, l’or doit se faire à la fois corps et âme. Non décidément, à cette heure tiède du matin, allongé entre un sablier et une feuille morte, je n’ai pas envie d’entendre parler de cet esprit que je suis tout à fait capable de vénérer en d’autres circonstances ; je désire être éphémère, je veux être enfant et fleur. »
 Le curiste - Herman Hesse

Les mots dits du jour - Dimitri Porcu

Au soleil du matin
Dans les nœuds volontaires tissés patiemment
Par le temps passé
Par les mains du destin
Trouver l’instant
Mesurer la distance parcourue
A parcourir
Viser droit
Toujours dans l’objectif
Avancer debout dans le monde qui danse
Et danser ensemble
Toutes les nuits
Les corps se meuvent
Par l’esprit
Les idées claires
L’utopie haute
Cueillir l’enfance chaque jour
A chaque nouvelle aube
Arroser l’être
Quotidiennement
Laisser pousser
Et tatouer le désir dans les coeurs
Les coeurs croisés
Les coeurs à battre
Les coeurs serrés
Chaque minuscule
De tout
Métamorphose le reste
Et remémore la suite
L’ivresse de courte durée
S’installe à jamais
Les joies à l’instant compté
S’imprègnent à jamais
Les paysages à l’oeil ouvert
Se fixent à jamais
Les mots dits du jour
S’entendent à jamais
Comme la voix de la mer
Au souffle vibrant
Aux vents contraires
Mais toujours solidaires
L’amitié brille par tous les temps
Réchauffe les âmes en péril
Coule le long de l’existence
Plein phare dans l’obscurité
La brume matinale
Laisse apparaître la nouvelle lumière
Renaître
A chaque instant

A l'orée des envies
Sur les sommets de l'amour
Au bord de l'horizon
Tout
Le
Beau
Se joue maintenant
Ne rien figer
Ne rien graver
Ne pas abdiquer
Ne pas lâcher le rocher
Ne pas s'abandonner
Rester
Dans le cercle toujours
Tourner tourner tourner
Entrer sortir
Prêt à tout
Improviser la vie
Créer l'occasion
Courir aux rencontres
Et
Accueillir l'éphémère
Les bras grands ouverts

François Cheng :

Tu surprends le vol des lucioles,
Tu entends la chute des pétales,
Est-ce l'heure des solitudes
Pour toi ? Ou celle du partage ?

 

Si le temps - Hyam Yared

Si le temps est cannibale, dis-moi
pourquoi nos pays périssent en croyant nous survivre.
Dis-moi comment organiser nos mots si le langage est une mer où se noient des nuages. Quelqu’un m’a dit un jour que pour aimer il fallait être prêt à mourir. Qu’on ne pouvait rien gagner sans
accepter de perdre,
rien construire sans vouloir tout risquer. Il n’y a pas d’amour perdu,
il y a nos chemins
et tant pis si l’exil se traverse de l’intérieur, si nous recevons nos
naissances et nos pays
comme des fêlures contre lesquelles nous ne cessons d’avancer.
L’horizon ne déçoit
que ceux qui le craignent . L’enfant ne se pose jamais la question de
savoir
s’il va réussir à marcher. Il avance. L’effort est en lui un éclat de rire.
Peut-être une fracture, c’est pareil. Vu d’en bas, l’échec est un oiseau qui frôle le ciel de près. C’est cela être humain. Se dire
qu’on peut mourir de n’avoir pas osé. Même décharnés,
hagards, usés, poursuivre la route sans se retourner sauf,
de temps en temps, pour que se souvenir n’empêche jamais d’aimer.
Sans hésiter. Comme on respire. Claudiquer, boiter, courir, tomber, se relever pour donner à la terre que nous aimons la chance
de s’inscrire dans le creuset de nos rides. Pour qu’au delà de ces
horizons
bardés de peupliers déguisés en guerriers la vie demeure ce tunnel au bout duquel, en marchant, nous aurons mis le temps d’une traversée,
l’espoir debout.

 

François Cheng                          

Nous sommes éphémères,
Il nous demeure l’instant,
Débris de la mémoire
Que les mots ressuscitent,
Toute la vie afflue
Vers un présent offert :
Geste in-vu d’un cyprès
Chant in-ouï d’un loriot
Toute la vie perdue
Parmi les astres muets
Depuis longtemps éteints
Hors des années-lumière
Que sauve un seul regard
Né d’appels persistants,
Où larme rejoint rosée
Où cendre et miel font un
.

 

Ephemeroptera - Arnaud Savoyer

 

L’homme est donc une sorte d’éphémère
qui ne revit jamais ce jour unique,
qui est toute sa vie.
Paul Valéry
Et ensemble en partage
ouvrons le livre de la vie

                   l’éphémère
né naïade
cruelle et sans pitié

voir le jour
       la nuit
les lumières
révélation du couchant

l’éphémère
cet insecte aérien
                   si beau
                   si fragile
qui
au soir à la lumière
vient se poser sur
                   le miroir
de la salle de bain

je                me regarde

une aspiration
accouplement
inspiration
éphémère ?

         Beauté
         simple
          de la
           vie
se dissipe en un
         soupir

éphémère ?

ce soupir dont on
ne sait
s’il porte la joie
ou la peine

ce soupir
presque bâillement
une inadvertance
un claquement de
                   doigts
                   subit
disparaît
l’instant de

soupir dont on garde
sans conscience
                   l’éternité
toute la force et
grandeur de notre
propre         fragilité

l’éphémère
jalon dressé
toute l’énergie qui
                   nous maintient
et nous exhorte de
                      profiter
pleinement de l’instant
                            vie.

Nuit du 24 au 25 août 2021