Voici les toutes premières phrases qui introduisent ce livre qu’a écrit Maria Grazia Calandrone :
« Je n’ai, de ma mère, que deux photos en noir et blanc.
Ainsi que, bien entendu, ma propre vie et quelques souvenirs biologiques que je ne suis pas certaine de savoir distinguer de la suggestion et du mythe.
J’écris ce livre pour que ma mère devienne réelle. »
En fait, ce livre est une déclaration d’amour de l’autrice, qui était un bébé de neuf mois quand elle a été abandonnée par ses parents sur la pelouse de la Villa Borghese à Rome en 1965, avant que ces derniers ne se jettent dans le Tibre.
Cinquante années plus tard, l’autrice décide de rechercher les traces de sa mère Lucia qui vivait à l’origine dans un village du sud de L’Italie. Que s’est-il passé ? Pourquoi ce fait divers dramatique a-t-il eu lieu ? 1965, ce n’est pas si vieux, mais quelle contrainte imposait-on aux femmes sur leurs agissements, surtout s’ils n’étaient pas conformes aux coutumes ?
En prenant conscience du poids écrasant des traditions, des faibles perspectives pour les femmes à cette époque, l’autrice essaye de découvrir cette mère qu'elle n'a jamais connue. Elle comprend qu’il faut « abandonner le préjugé qui affirme que seule la culture nous permet de comprendre les choses et de connaître le monde en nous et hors de nous. »
Voici ce qu’elle écrit encore au sujet de cette mère :
« L’amour de Lucia pour moi, purement et simplement destiné à ma personne, réside dans sa décision de ne pas m’emmener dans la mort, réside dans cet où elle ne m’a pas emmenée et dans sa volonté de me rendre à la vie. A la vie de tous. Faisant de ma vie, depuis les origines, une vie qui revient à tous »
De plus, ce livre est bien plus qu’un simple récit autobiographique. Il nous fait découvrir l’histoire de l’Italie du milieu du XX° siècle, les guerres, le fascisme, la reconstruction qui pousse des milliers de paysans vers les grandes villes du Nord en quête d'une illusoire vie meilleure. Il soulève également des questions sur la condition des femmes dans une société patriarcale, et sur les choix déchirants que certaines d'entre elles ont dû faire. L'écriture de Maria Grazia Calandrone est aussi poétique, intime et bouleversante, offrant une réflexion sur l'amour, la société, le féminisme et la mémoire.
(Présentation : Marie-Claire Royer)