|  | Dans le cadre de « Livres   			nomades »,
 Littera 05 reçoit
 Metin Arditi ,
 le mardi 16 octobre 2012, à 18h30
 à la   			Médiathèque de Gap,
 pour une rencontre avec des lecteurs.
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                  |  | La rencontre se fait
 autour des
 deux derniers livres
 de
 Metin Arditi
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              Quelques éléments de sa  biographie :
                
  Né en Turquie, Metin Arditi arrive en Suisse à l’âge de sept ans. Après  onze années passées dans un internat suisse à Lausanne, il fait des études à  l’Ecole Polytechnique de Lausanne où il obtient un diplôme  d'ingénieur-physicien et un diplôme de troisième cycle en Génie atomique. Puis  il continue ses études à l’Université de Stanford aux Etats-Unis. Il s’installe  à Genève où il fonde  une société  d’investissements immobiliers avant de créer   la Fondation Arditi et de présider l’Orchestre de la Suisse Romande. Il  est le fondateur en 2009 et le co-président (avec Elias Sanbar) de la  Fondation « Les Instruments de la Paix-Genève », qui favorise  l’éducation musical des enfants dePalestine et d'Israël 
  En 1997, ce sont ses débuts en littérature avec d’abord des essais sur La  Fontaine, Machiavel, Nietzsche,  Van Gogh et puis en 2004 un premier roman Victoria Hall qui sera suivi  de sept autres jusqu’à Prince d’orchestre.
              
                Le  Turquetto :
                
                Metin Arditi nous présente Le Turquetto et nous  explique comment « L’Homme au gant » (tableau du  Titien, au Louvre) se faufile dans  l’histoire :
                
                Le livre commence par une note aux lecteurs : lors  d’une exposition au musée à Genève « Venise ou la couleur  retrouvée », Le Louvre a prêté le tableau « L’homme au gant ».  L’historien d’art chargé de l’accrochage a remarqué une anomalie chromatique  entre le T et le reste de la signature icianus de Ticianus. L’analyse aux  rayons X a confirmé que les deux parties ont une origine différente. Tout cela  est bien entendu, tout à fait inexact. C’est imaginé. Le Turquetto est un  personnage de fiction. Le Musée d’art de Genève n’a jamais eu l’audace de  demander au Louvre de lui prêter « l’homme au gant » et je le  regrette.
« L’homme au gant » avec lequel l’histoire démarre est venu dans la  construction romanesque à un stade très ultérieur.
  
  Un enfant juif dans la Constantinople du  XVIe siècle :
  
 L’histoire du Turquetto est  l’histoire d’un petit garçon qui ne peut pas peindre, pas dessiner parce qu’il  n’en a pas les moyens (Nous sommes au début du XVIe siècle) et aussi parce que  c’est interdit par la loi juive. L’empire ottoman de cette époque était soumis  à la loi musulmane qui interdit aussi la représentation. La mère de cet enfant  meurt à sa naissance et il est élevé par une voisine grecque dans un quartier  où se retrouvent également des Arméniens et des Juifs venus d’Espagne. Cet  enfant est confronté à cet environnement : ce qu’il fait déplait car il  transgresse la loi, la loi de ces gens qui ont tout perdu, des grands-parents  qui auraient pu se convertir mais qui ont tout sacrifié pour rester fidèles à  cette loi. Ils ne peuvent accepter que cet enfant transgresse. Son père est  employé par un marchand d’esclaves, la vente d’esclaves étant exclusivement  faite par des Juifs parce que considérée comme impure. Ce garçon se révolte de  façon violente contre son père, contre le rabbin, contre sa communauté puis  s’enfuit, change d’identité. 
  
  De Constantinople à Venise :
  
  Il quitte Constantinople pour Venise où il rentre dans un de ces  ateliers de peintre dont les marins vénitiens lui ont parlé pendant qu’il  faisait leur portrait, lui génial peintre et dessinateur. Il dit je suis grec, orthodoxe. Il allait  chaque dimanche aux cérémonies orthodoxes avec sa mère de remplacement à  Constantinople. Il connaît donc la liturgie, les icônes et les fresques de ces  églises qu’il a copiées. Son père meurt. Il part, conscient de le trahir. Il  fera une carrière éblouissante. 
  
  
  La peinture à Venise au XVIe siècle :
  
  Il y a une raison bien précise à cette carrière éblouissante : On est au  XVIe siècle, Venise a complètement basculé dans le règne des quantités. Des  peintres géniaux comme Le Titien, Le Tintoret ont basculé dans la peinture de  l’émotion, de la passion, de l’humain. Ce ne sont plus des peintres spirituels.  Au XIVe les tableaux étaient petits à tel point qu’on pouvait les tenir d’une  main. Par opposition, la Grande Cène du Tintoret fait 90 m2. On est dans une  sorte d’inflation tapageuse et on a perdu tout sens de la spiritualité. De  plus, Venise est en compétition avec Florence : la précision du designo des peintres de l'école florentine s’oppose à la sensualité du colorito des peintres vénitiens.
  
  
  Le Turquetto devient le plus grand :
  
  Le Turquetto apprend le colorito dans l’atelier du Titien. De plus il  avait appris les secrets de  la  calligraphie et la fabrication des encres au Bazar de Constantinople, en  particulier dans l’échoppe de l’un des meilleurs fabricants d’encre du Bazar,  Djelal Baba. La calligraphie est un art d’une grande précision. Et du coup ce  garçon arrive à combiner l’incombinable, c'est-à-dire la précision du designo  et la sensualité du colorito. A cela s’ajoute qu’il a fait ses classes dans les  églises byzantines dont chacun connaît l’art et   la spiritualité de cet art. Ce garçon a en mains ce trio de cartes  gagnantes qui font la spiritualité, notion perdue à cette époque. Il devient le  plus grand peintre de l’époque.
  
  
  Le Titien entre dans l’histoire  : …Ce qu’il devait faire pour la sauver  était indigne…il n’y avait pas  d’autre solution…et il fit son devoir :
  
  Il est évident à un  moment  donné – et c’est un des miracles de l’écriture car on ne sait jamais à l’avance  où les personnages vont nous emmener - que son dernier tableau peint à Venise  avant qu’il soit obligé de s’enfuir, son dernier tableau devait être le  portrait de son père. Il est redevable à son père de la vie qu’il lui a donnée,  il se sentait coupable de l’avoir contré, d’avoir fui, et là il veut se  racheter. Il cherche la rédemption, va la trouver en faisant de son père un  portrait magnifique et il le peint non pas comme un pauvre homme mais comme un  prince, un homme très jeune. Et c’est à ce stade de l’écriture, pas loin de la fin,  que m’est venu le souvenir d’une visite au Louvre bien antérieure au démarrage  de l’écriture de ce roman. J’avais vu dans la Galerie italienne un des plus  beaux portraits que j’aie jamais vu, intitulé «L’Homme au gant » du  Titien. Le Turquetto aurait pu peindre ce tableau en pensant à son père, le  signer Turquetto avec un T, et comme la Venise des Doges, la Venise politique  allait instituer un autodafé, il aurait pu l’envoyer à son maître le jour même  de son arrestation comme hommage, ignorant l’autodafé. Le Titien, âgé de 90 ans  l’aurait reçu, sachant ce qui allait se passer.
  
 
  
               
              
              On aime entendre Metin Arditi lire des passages de ses livres 
               Par sa peinture, Le Turquetto veut dessiner  l’âme, la comprendre, la  pénétrer, la révéler dans toute sa vérité : 
                
                Elie cherche la  consolation. Il cherche à consoler, à rassurer. Tout cela ce sont des démarches  spirituelles et c’est la raison pour laquelle deux protagonistes représentent  l’Eglise dans mon récit : l’un Gandolfi, cardinal mais vrai curé, qui a  été curé à Assise et qui connait les hommes, les bêtes, la terre, qui est né  dans les Abruzzes, sur les hauts plateaux. Et puis il y a Scanziani,  brillantissime juge inquisiteur, dominicain, docteur en droit, grand  spécialiste du droit canon, qui lui, a une autre conception de l’Eglise, une  conception institutionnelle, juridique, légaliste. L’Eglise est une institution  dont les lois doivent être respectées. Ce sont deux conceptions complètement  différentes de la même Eglise. La peinture qu’offre Le Turquetto,  peinture profondément spirituelle, dénuée de  tout dogme, ne peut que combler Gandolfi. Lui connaît le malheur des hommes  qu’il accueille et console.
              
              La Cène : l’apothéose et le  début de la chute :
                
  Le tableau lui a été commandé dans un acte de vanité par un riche  marchand de Venise, Cuneo. La politique était réservée aux nobles qui ne  faisaient pas de commerce. Les marchands faisaient du commerce jusqu’à  Constantinople. La seule voie ouverte à ces gens très fortunés pour exister  dans cette République du paraître, c’était la charité. Et la voie royale  c’était la création d’une confrérie. Cuneo, cet homme très ambitieux qui  n’était pas noble, adopté par un marchand de drap, veut frapper un grand coup.  Il passe commande au Turquetto d’une Cène pour laquelle il lui impose deux  contraintes : (c’est l’époque de la Contre-réforme) Tu vas rappeler les  racines profondes du christianisme et tu chanteras la gloire de Venise.  Avec ces deux objectifs, Cuneo est sûr d’être acclamé par la Grande Venise. Le  Turquetto accepte la commande et  va  répondre à ces deux objectifs à sa manière. A dix apôtres, il donne le visage  des plus grands peintres de Venise ; je dis à dix parce que, à une  extrémité du tableau, il peint Le Titien jeune et à l’autre extrémité Le Titien  à l’âge actuel. Le douzième, c’est Judas et il se peint lui en Judas. Il répond  ainsi à la première injonction : chanter la gloire de Venise. Pour la  deuxième injonction « tu peindras le christianisme dans ses racines les  plus profondes », que fait-il ? La dernière Cène, ce n’est rien  d’autre que la Pâques juive et il peint la Pâques juive telle qu’il s’en  souvient de son enfance, avec sur la table les mets, le livre des prières  juives l’haggadah. Les apôtres et  Jésus, il les peint en rabbins, ce qu’ils étaient, vêtus des toges couleur  pastel à la romaine, avec des kippas. Tout le monde est stupéfait en découvrant  la Cène. Cuneo entend le Doge dire au nonce : que veux-tu, il dit vrai. Ce n’est pas ce qui va perdre Le  Turquetto. Ce qui va le perdre, c’est qu’il y aune confrérie qui est en train  de perdre beaucoup de ses membres qui vont à la confrérie de San Antonio, celle  de Cuneo. Et le gardien de cette confrérie flaire quelque chose. Il va  organiser un guet-apens : alors qu’un jour Le Turquetto quitte son  atelier, il est assailli et en le déshabillant, ses assaillants constatent qu’il  est circoncis. La circoncision était un motif de dénonciation. Le juge fait  arrêter Le Turquetto et lui demande pourquoi il est circoncis. Le Turquetto n’a  qu’une réponse : Je suis né juif et  j’ai été circoncis à ma naissance, à Constantinople. Un procès va suivre,  qui ne dure qu’une journée puisque sans contestation.
               
                Metin Arditi lit le passage où Elie prend conscience de sa propre nature alors  qu’il est revenu à Constantinople après avoir échappé à la  mort (p.278) : 
                
                Il lui avait tourné le dos à son  père. Il l’avait abandonné. De la même manière qu’il avait abandonné tous les  siens…Et Venise qui l’avait accueilli, il l’avait trahie, elle aussi. Elle lui  avait commandé une Cène pour que chacun puisse s’y retrouver, pas une représentation  dans laquelle il se complaisait à dire qui il était. Personne ne lui avait  demandé de raconter sa vie ! Et ce besoin de peindre des calottes et des  rabbins. S’il n’en pouvait plus de tricher et de mentir, était-ce la faute des  Vénitiens ?
  Il aurait dû s’effacer derrière sa peinture, au lieu d’en faire un prétexte  pour se mettre au-dessus des autres.
  Un faux humble qui avait sacrifié à son orgueil chaque personne qui s’était  trouvée sur son chemin, voilà ce qu’il avait été. Un homme d’une vanité sans  limite. 
              
  L’histoire du Turquetto : une  résonance dans l’actualité :
  
                Moi je suis né juif dans un pays musulman. J’ai été élevé par une  gouvernante catholique qui m’emmenait à l’église et je disais le soir « Le  Notre Père ». On m’a mis après dans une école protestante, ma femme est  grecque orthodoxe, j’avais un professeur américain qui m’a éclairé sur les  religions orientales, en particulier l’hindouisme… ça m’est très difficile  d’être intolérant en matière religieuse. Je ressens une sorte d’identité multiple  et je me sens chez moi dans ces religions. 
                Ce livre témoigne du partage et du vivre ensemble. 
                
                
                Avec le dernier livre publié par Metin Arditi en 2012  « Prince d’orchestre », nous changeons d’époque et de milieu, mais  avec toujours l’art au cœur du livre, puisqu’il s’agit du monde de la musique  classique. 
                Metin Arditi  nous présente Prince d’orchestre, alias Alexis Kandylis :
                
              Alexis Kandylis est un chef d’orchestre de 47 ans au sommet  de son art, il est le plus couru, le plus courtisé au monde. Il est dans le  circuit depuis 20 ans, les plus grandes salles l’appellent, il touche des  cachets faramineux. Mais cet homme  a des  blessures d’enfance qu’il n’a pas guéries. Il n’a pas réussi à transformer des  blessures très douloureuses en douleurs acceptables du quotidien. C’est pour  faire plaisir à sa mère qu’il a choisi cette voie, celle de chef d’orchestre.  Il est très doué pour la musique, il a une gestuelle très élégante, d’une  grande précision. Il est entré dans une vie où il n’a pas l’opportunité de se confronter  à son enfance et à ses blessures, de les banaliser. Le vrai talent de ce garçon  aurait été la composition qui lui aurait permis de passer de longues périodes  de temps seul, dans la réflexion, ce qui facilite le dialogue avec soi-même et  avec son enfance. Le métier de compositeur s’apparente à celui d’écrivain. La  vie qu’il mène en tant que chef d’orchestre est complètement folle, de Jet en  Jet, de concert en concert, de succès en succès. Il vit coupé de la réalité,  loin de l’humanité moyenne. Plus le souvenir est douloureux, plus on l’enfouit  très profondément et lorsque les blessures lâchent on ne s’en rend pas compte.
              
                « Le Destin l’avait reconnu. Ils étaient du même  monde » :
                
                Le personnage de Mennahem Keller a dans le livre un rôle  important : son fils est dans le coma, victime d’un attentat en Israël. Il  l’a installé dans une clinique près de Genève et il vient tous les matins  rendre visite à son fils pour lui parler, lui lire la presse ou lui faire  écouter de la musique. Lui-même ne lit que des textes qui ont trait à la  Kabbale pour chercher le sens caché des choses, pour essayer de comprendre le  malheur qui lui arrive. L’après-midi il va au casino de Divonne mais il ne joue  jamais. Il se poste devant une table de roulette et il observe la bille. Cette  bille a un parcours chaotique. En observant cette bille il essaie d’accepter  que le destin lui a échappé. Il essaie de tirer une philosophie de cette  observation. Il croise Kandilis qu’il admire beaucoup ; il voit son  désarroi au moment où sa carrière s’effrite.  Il l’amène à Divonne et lui montre la bille : surtout ne jouez jamais, lui dit-il. Venez ici, observez et acceptez le destin. Parce que jouer ce n’est  rien d’autre que de dire au destin comment il doit se comporter. C’est d’une  vanité folle et le destin peut se venger. Quand quelques jours après  Kandilis revient, il est tellement vaniteux qu’il ne se contente pas  d’observer, il anticipe : là ça va être le rouge et c’est le rouge…là ça  va être le noir et c’est le noir …Il continue à jouer dans sa tête et il gagne.  Il se met alors à jouer et il gagne, il gagne beaucoup. « Un sentiment de  triomphe l’envahit… Le destin l’avait reconnu. Ils étaient du même  monde. » Et évidemment il perd tout, même la raison. 
              
  Elie et Alexis : un don  exceptionnel mais un parcours différent :
  
 La grande différence entre les  deux c’est que Elie a son Arsinée, cette femme qui l'adore, avec laquelle il se  chamaille mais qui le couvre de baisers et il ressent beaucoup d’amour. Alexis  n’a pas cette chance, il est dans un internat. Ça veut dire que l’amour  parental est irremplaçable et pourtant il peut être remplacé s’il est du même  ordre, c'est-à-dire sans exigence de retour. Ce qui fait la force de l’amour  d’Arsinée c’est sa spontanéité.
Le Turquetto est un personnage extrêmement fort. Il fait une carrière à Venise,  sans se soucier de ce qu’on dit de lui ; c’est un taiseux. Il exprime son  amour par sa peinture. Il atteint la spiritualité quand il perd tout. Il  devient mendiant au Bazar de Constantinople. Il accomplit des miracles avec son  art.
Alexis Kandilis n’a pas cette chance. Lui, son souci c’est ce que les gens vont  penser, c’est le paraître. On me dit qu’il n’est pas sympathique. Mais en fait  il est pathétique. On ne peut qu’avoir pitié. Il est pris comme un rat dans toute  cette histoire et quand il perd tout, il perd vraiment tout. Il se perd  lui-même, il n’y a aucune élévation d’esprit. 
A la fin, Alexis est aimé par deux femmes plus âgées que lui, qui l’accueillent  chez elles, l’accueillent dans leur lit. Il reçoit d’elles une grande tendresse  et il se sent plus heureux qu’il ne l’a jamais été. Mais son problème c’est  qu’il n’a pas cette force que donne l’amour qu’on reçoit enfant. Rien n’est  jamais suffisant, il lui faut toujours une preuve qu’on l’aime.
               
              
              Metin Arditi au lycée Aristide Briand
              
  A la fin, c’est la chute pour les deux personnages mais  une chute bien différente :
  
  Elie est devenu mendiant au Bazar de Constantinople : comment obtenir le  pardon de son père ?
  Metin Arditi lit les dernières lignes du livre :
 L’après-midi  était sur le point de s’achever lorsqu’il ferma les yeux et se couvrit le  visage de ses mains.
Quelques instants plus tard, il vit sa main droite esquisser l’ovale d’un  visage. D’un mouvement lent et maîtrisé, elle traça un trait puis un autre,  puis un autre encore, de façon de plus en plus rapide et sûre, jusqu’à ce qu’un  portrait apparaisse à Elie aussi clairement que s’il l’avait devant lui.
Puis, le visage toujours caché, Elie vit sa main saisir le dessin et le déposer  sur la pile.
C’était le portrait de son père. Il l’avait représenté en pauvre bougre qu’il  était. Au coin supérieur droit de la feuille, sa main avait écrit ces  mots : Sami Soriano, employé d’un marchand d’esclaves à Constantinople. 
  
  Une chute bien plus tragique pour  Alexis :
  Avec Alexis j’ai voulu plutôt comprendre,  montrer que très souvent dans la vie, par un  mot, par un geste, par une réaction mal contrôlée, on brise quelque chose qu’on  a mis tant de temps à obtenir : une amitié, une position, une réputation.  Je crois que quand quelqu’un touche un nerf sensible qui est toujours une  blessure d’enfance, là le mal devient tellement insupportable qu’on est prêt à  tout pour qu’il cesse et alors on casse. J’ai essayé de comprendre pourquoi et  je suis arrivé à la conclusion que c’est parce qu’on ne s’est pas occupé de  cette blessure, parce qu’on a voulu l’enfouir et l’enfance ce n’est rien de  particulièrement doux. Avec ce livre j’en suis arrivé à la conclusion que la  vie de Kandilis est bien plus logique que celle du Turquetto. Cette dernière  relève du miracle, celle de Kandilis relève de la logique pure. 
              
  Coupable ou innocent, Alexis ?
  
                J’ai croisé dans ma vie une philosophe suisse, Jeanne Hersch. Je l’ai  connue, elle avait 80 ans. Elle me disait : Lorsque vous vous occupez de condition humaine et que vous butez sur un  paradoxe c’est que vous êtes sur la bonne voie.
               
              
              Avec une lycéenne du Lycée Aristide Briand