Un cargo de marchandises fait route vers Marie-Galante : à son bord la Commandante et vingt marins sous ses ordres. Bien que fille de Commandant, on ne donnait pas long de sa carrière. Mais le féminin a fait son chemin dans les esprits et elle a maintenant conquis son autorité.
Alors que le bateau poursuit sa route au milieu de l’Atlantique, les vingt marins obtiennent d’elle l’autorisation de se baigner en plein océan. Alors on a coupé les moteurs, débranché les radars et les 20 marins descendent dans un canot et se sont laissé glisser dans l’eau. :« L'espace d'une seconde ils renversent l'ordre des choses, peut-être que quelque part des oiseaux prennent leur envol à l'envers ou qu'une rivière, d'un coup, remonte à sa source : voilà ce qu'ils pressentent, en vrac, et chacun dans sa langue ».
Chacun a son propre ressenti : certains se raisonnent, se disent qu’ils n’ont rien à craindre, le cargo n’est pas loin. Mais pour d’autres la pensée des kilomètres sous leurs pieds les entraîne dans un vertige incontrôlable : c’est comme s’ils chutaient d’un immeuble ou d’une falaise, c’est comme un cauchemar. « Ils savent que quelque chose leur a échappé… Entre l’océan et eux quelque chose s’est produit dont ils ne parleront jamais »
Ils remontent sur le cargo, après 35 mn passés dans l’océan, heureux et fiers de leur exploit. Ils se comptent pour être surs que tous sont remontés. 20 étaient descendus, 21 sont de retour sur le pont : c’est étrange quand même ! La commandante qui est restée seule sur le cargo, reprend les choses en main, après avoir autorisé cette baignade en dehors de tout respect des normes de sécurité, des procédures qu’elle applique normalement à la lettre.
Mais des choses étranges vont continuer à se passer : Une brume épaisse et inexplicable à cet endroit de l’océan s’est levée et a fait chuter la température. Et puis il semble qu’on n’arrive pas à reprendre de la vitesse. « On dirait que c’est le bateau lui-même qui décide de sa vitesse » lui a dit son second.
Son second à qui elle demande : « Est-ce que vous pensez possible que notre bateau… que notre bateau ait développé une sorte d’autonomie, de personnalité propre ? »
Ce pas de côté qu’elle s’est autorisé en donnant son accord aux marins de plonger au milieu de l’océan va constituer une faille dans laquelle l'étrangeté va se glisser.
Il n’en fallait pas plus pour que des vannes jusque-là fermées, s’ouvrent.
Ce livre est comme une ivresse qui fait face au rationnel et nous lecteurs, on bascule aussi sans se poser de questions.
(Présentation : Anne-Marie Smith)