Gap -  Hautes-Alpes

La petite fille de Monsieur Linh

Philippe Claudel

Stock, 2005

 











 

Monsieur Linh est un vieux réfugié venu d'un pays d'Asie, un pays de rizières ravagé par des années de guerre, sans doute le Vietnam. Il vient d'arriver dans un port de France, on ne sait lequel, où sont accueillis de nombreux réfugiés arrivés par bateau. Monsieur Linh a quitté son village, entièrement dévasté par les bombes, et n'a emporté avec lui qu'une vieille valise qui contient un peu de terre du pays et une vieille photo jaunie. Il tient dans ses bras un bébé de quelques semaines, sa petite fille Sang diû; les parents de l'enfant sont morts dans un bombardement. C'est pour sauver sa petite fille qu'il a accepté de monter dans ce bateau, sa petite fille qu'il garde toujours dans ses bras, pour la bercer, la câliner, la nourrir et l'endormir avec une chanson. C'est désormais le seul lien qui le rattache à la vie. Il vit dans un coin de dortoir, en compagnie d'autres réfugiés qui l'ignorent ou se moquent de lui. Il vit dans une solitude extrême, la solitude de l'exilé qui arrive dans un pays dont il ne comprend pas la langue et où les gens vivent en s'ignorant, toujours pressés d'aller on ne sait où. Les seuls instants de bonheur qu'il vit sont ceux où dans sa tête ressurgissent des souvenirs, reviennent les images de ceux qu'il a aimés, sa femme, ses enfants, les gens de son village. Mais tous sont morts et la solitude de ce vieil homme, son dénuement, sa douleur due au vide de l'absence sont exprimés avec une telle pudeur et en même temps une telle intensité qu'on en est bouleversé.

                    Bien que ne parlant pas la langue du pays, Monsieur Linh va pourtant se faire un ami, dans la rue, un homme lui aussi brisé par la vie; et miracle, ils vont se comprendre; car ce qu'ils ressentent se situe au-delà des mots, au niveau de l'émotion qu'ils traduisent par leurs yeux, leurs gestes, leur sourire.

                   Et quand on arrive à la fin du livre, sans l'avoir quitté une seconde, on est bouleversé par le dénouement qui donne un sens inattendu au livre. En tout cas, Philippe Claudel réussit à évoquer en un livre très court, l'exil forcé et tout ce que cela implique : la solitude, le rejet de l'autre différent, le déracinement, le dénuement, le deuil des siens, le souvenir de ce que l'on a perdu à jamais ancré dans la mémoire.

(Présentation : Anne-Marie Smith)