C'est en 1967 que l'histoire commence à New York. Adam Walker, jeune étudiant, poète à ses heures et critique littéraire, rencontre au cours d'une soirée, un couple pour le moins énigmatique : lui, Rudolf Born, français d'origine, apparait assez trouble et ambigu : d'un côté il semble avoir des qualités indéniables : intelligence, charme, humour mais en même temps Adam sent en lui quelque chose de louche, une noirceur et un cynisme déconcertants. Elle, Margot reste silencieuse et indéchiffrable. Adam se sent attiré, fasciné même par ce couple insolite qui semble se préoccuper de son avenir. Et quand Rudolf lui propose de s'associer à lui pour fonder un magazine littéraire, Adam accepte avec enthousiasme de préparer un projet.
Alors que sa première impression sur Margot n'avait pas été favorable, la soupçonnant d'être insipide et peut-être intrigante, ses sentiments changent totalement quand, au gré d'une absence de Rudolf, elle l'invite à passer plusieurs nuits avec elle. Dès le retour de Rudolf, Adam apprend que Margot a quitté son amant. Un soir, alors qu'il se promène avec Rudolf, Adam est témoin d'un meurtre : tout accuse Rudolf. mais Adam, très choqué, hésite à avertir la police, puis, honteux de sa faiblesse morale, se décide quelques jours après. Il renvoie à Rudolf le chèque qu'il lui avait fait pour démarrer le magazine, espérant maintenir Born à jamais loin de sa vie.
Le récit se poursuit dans le deuxième chapitre, quarante ans plus tard : Jim, un ami écrivain qu'il avait connu pendant ses études et qu'il avait perdu de vue, reçoit d'Adam le manuscrit de l'histoire de Born racontée par Adam, ce qui est en fait le premier chapitre du livre.
Une fois encore on retrouve dans ce livre des constantes de Paul Auster : une construction toujours complexe où époques et personnages sont enchevêtrés, où le passage du je au il se fait d'un chapitre à l'autre puisque plusieurs narrateurs prennent tour à tour la parole et multiplient les points de vue. Les récits s'emboitent mais la vérité se dérobe : Paul Auster laisse beaucoup de questions en suspens et nous restons avec nos interrogations sur la vérité des personnages. On retrouve les thèmes chers à Paul Auster sur l'identité, la solitude, la culpabilité, la fuite, le soupçon, la construction romanesque où fiction et réalité s'opposent. Cet homme qui raconte son passé, peut-être l'invente-il ?
(Présentation : Anne-Marie Smith)